Mère
l'Agenda
Volume 6
(Suite à l'ultimatum du Conseil de Sécurité, l'Inde a accepté le cessez-le-feu à la date du 22 septembre.)
Finalement, c'est toi qui avais raison!
J'avais raison... pourquoi?... Ah! ton message à Delhi: «India MUST fight» [L'Inde DOIT se battre].
Oui.
Oh! ils ne comprennent rien. C'est dégoûtant, ce que l'on voit
Et c'est aussi faux que ça peut l'être: ils continuent à se battre, seulement ils prétendent ne pas le faire.
Ils sont tous très contents de ce qu'ils ont fait, ils se gargarisent.
Non, ils ne sont pas contents.
Tu crois?
Non, je sais!
Ça me fait l'effet de 1939, Chamberlain qui revient de Munich: «On a sauvé la paix»!
Oui, c'est cela.
Mais à l'ONU, ils se gargarisent, ils sont très fiers d'eux (du cessez-le-feu). Mais ici, on n'est pas content. Ils sont surtout furieux contre l'Angleterre.1
Oh! ces Anglais...
Oui, et ils vont sortir du Commonwealth.
Ce serait bien.
(Riant) Oui, il est temps!
Les Russes ont appelé Shastri et l'homme du Pakistan (Ayoub Khan) à se rencontrer en Russie (à Tachkent) et il paraît qu'ils se sont entendus avec les Américains (les Russes et les Américains) de façon à séparer définitivement l'Angleterre du Pakistan et la Chine de l'Inde. Ils veulent faire une action définitive pour empêcher la Chine et l'Angleterre d'intervenir dans les affaires d'ici. Ils ont des moyens de coercition, paraît-il.
Naturellement, si la Russie et l'Amérique se mettent ensemble... Et ils ont appelés Shastri et Ayoub, et ils vont y aller – ils vont y aller. Alors nous allons peut-être voir quelque chose d'intéressant.
Le rapprochement de la Russie et de l'Amérique est une chose à laquelle je travaille depuis des années. J'avais cru réussir quand on a assassiné Kennedy, et à ce moment-là, Khrouchtchev était bien disposé – tous les deux, partis! L'un, on l'assassine, et l'autre, on le limoge.
Maintenant, nous allons voir.
Si rien ne vient contrecarrer, il y aura peut-être quelque chose d'intéressant.
Mais on ne voit pas d'autre solution, que militaire. Il faut que ça se liquide, non?
Il y aurait la solution que le Pakistan redevienne une partie de l'Inde.
Oui, mais ce n'est pas possible à moins qu'on ne les avale.
Peut-être y viendront-ils sans qu'on les force. Ce bonhomme (Ayoub) est impossible.
Ah! oui, il est impossible.
Oui, mais il n'est pas éternel.
Il y a une mentalité là-bas que l'on aura du mal à changer. Les Indiens ont raté l'occasion.
Oui. Ah! oui, c'était l'occasion.
Seulement, ce n'est pas de leur faute: c'est de la faute des Nations Unies; et les Nations Unies ont agi avec un seul mobile, parce qu'elles avaient une frousse effroyable d'une guerre générale – n'est-ce pas, ça oblitère la vision.
On verra.
Moi, je crois en Kâli, douce Mère. Je n'espère vraiment plus qu'en Kâli: la force de Kâli qui cogne. On n'imagine pas d'autre possibilité.
(Silence) Cet homme qui est à la tête du Pakistan ne représente pas tout le Pakistan. Il y a toute une partie du Pakistan qui est pour l'union avec l'Inde.
Vraiment?
Une grande partie.
Et il n'est pas sûr que s'ils se sentent protégés, aidés et soutenus par, justement, la Russie et l'Amérique, ils ne poussent à la réunion. N'est-ce pas, les masses, c'est seulement une question de courant de pensée: ce n'est pas une réflexion, ce n'est pas une raison, c'est seulement un courant de pensée.
Je ne sais pas, on verra.
(Mère tend un hibiscus au disciple) Voilà une «Grâce» monumentale, il y en a presque deux ensemble.
(silence)
Avant la bataille, Nolini a eu un rêve qu'il m'a raconté maintenant. Ils étaient un certain nombre de personnes ensemble et ils ont vu Sri Aurobindo qui venait à eux, et Sri Aurobindo était penché comme s'il faisait un effort extraordinaire, et puis il était tout recouvert d'un manteau et on ne voyait rien, mais il était penché comme faisant un grand effort. Il est arrivé à eux, il a ouvert son manteau, et il avait dans les bras des fruits (geste indiquant un maigre ballot), des fruits et d'autres choses symboliques. Puis il leur a tendu cela et il leur a dit: «Voilà tout ce que j'ai pu faire.» Et il est parti. Comme si c'était tout ce qu'il pouvait: «Toute la fête que j'ai pu vous donner», quelque chose comme cela. Alors ils ont essayé de faire une fête avec cela, parce qu'il l'avait donné, et puis cela faisait une confusion et ce n'était pas plaisant... Quand Nolini a eu son rêve, il n'a rien compris – maintenant, il comprend. C'est tout l'effort que Sri Aurobindo a fait pour amener cela: «Voilà tout ce que je peux faire.» Et il paraît que l'on avait le sentiment d'un effort formidable (riant): «Voilà tout ce que j'ai réussi à faire.»
Le monde n'est pas prêt. C'est cela, le pire.
Le monde n'est pas prêt.
Et alors, si c'est Kâli, c'est tout qui est remis à la fonte, et avec les moyens dont ils disposent, peut-être faudra-t-il recommencer toute la civilisation – combien de siècles perdus?
Que nous reste-t-il des civilisations qui ont disparu?... Rien. Rien, même pas un renseignement exact.
Tout cela, toute cette Matière qui fait tout le temps... (geste de soulèvement et d'engloutissement) qui fait un effort, produit des formes, produit un élément qui peut manifester la conscience, et puis, brff! (geste d'engloutissement) et puis encore (geste de soulèvement), et ça recommence – quel gaspillage effroyable! Un grand gaspillage.
(silence)
Toute la nuit (pas la nuit dernière, la nuit d'avant) a été très-très critique, et avec une perception si claire de la futilité du procédé actuel... et de cet esclavage qui vient d'une habitude plus que millénaire.
Il y avait une lutte (justement) dans le corps, entre les deux tendances: celle qui était soumise par habitude au vieux mouvement, et celle qui essayait de faire tomber cette habitude, avec la perception du moyen nouveau. C'était... c'était à la fois extrêmement douloureux, pénible et absolument grotesque. Et alors, ce corps se trouvait être comme une espèce de champ de bataille, et ce n'était pas agréable.
Et la conscience du corps (qui maintenant est en train de se former de plus en plus clairement), même celle qui est soumise à la vieille habitude, elle est consciente de l'existence divine, pourrait-on dire (l'existence du Divin et presque l'existence divine), mais elle a encore le sentiment d'une impuissance, et alors dans cette impuissance, d'un abandon total à la Volonté divine: «Si nous ne sommes pas prêts, ce sera comme cela» (dissolution). Et il y a ce qui se sent prêt, ce qui comprend et sait comment cela doit être et qui veut, et les deux s'entrechoquent. Et ce n'est pas qu'il y en ait un qui soit pour le Divin, un qui soit contre, rien de toute cette vieille histoire qui n'existe plus: c'est l'acceptation totale du Divin, mais la sensation de ne pas être prêt – que le monde n'est pas prêt (ce n'était pas du tout une affaire individuelle, du tout, c'était une conscience terrestre).
Et l'on sent bien dans cette lutte (qui a duré toute la nuit et toute la matinée – hier, je n'étais pas en très brillant état), on voit clairement, c'est visible, que ce n'est pas une question de vouloir avec force ou de... ce n'est pas cela: il faut que la SUBSTANCE soit prête. Une action de force, de puissance, si la substance n'est pas prête, visiblement cela produit une dissolution. Et alors tout ce que l'on a construit est à recommencer. Cette mort imbécile, n'est-ce pas, réduit tout à rien et tout le travail est perdu – ce qui est sorti, c'était ce qui était entré... avec un petit peu plus d'expérience, c'est tout. Ce n'est rien.
(silence)
Si même un tout petit agrégat de cellules pouvait réussir à avoir l'expérience totale jusqu'au bout, de la transformation, ce serait plus efficace que des grands bouleversements, beaucoup-beaucoup plus efficace.
Mais c'est plus difficile. C'est beaucoup plus difficile. Et puis ça ne fait pas des «événements» avec beaucoup d'éclat et qui font beaucoup de bruit.
Oui, c'est lié à l'état général du monde.
Tout à fait.
Et on ne voit pas vraiment de progrès. On a l'impression qu'au contraire, les hommes, les chefs d'État, les consciences humaines, deviennent de plus en plus petits-petits-petits.
Oui, parfaitement exact.
Des pygmées. Je suis frappé, en vingt ans, de voir comme tout cela devient de plus en plus minuscule.
C'est parfaitement exact. Mais je veux dire que selon ma vision (qui, je crois, n'est pas la mienne, ce n'est pas une vision personnelle), des nuits et des journées comme hier (qui ne sont pas agréables) évidemment vous donnent une connaissance, et le bouleversement (Kâli) appartient encore à la vieille méthode – c'est une acceptation que le monde n'a pas changé. Tandis que, justement, cette espèce de rétrécissement apparent est peut-être la preuve que la conscience terrestre a changé et qu'elle fait pression sur ce qui résiste, qui devient de plus en plus petit, mais de plus en plus dur.
De plus en plus dur, c'est cela.
C'est comme si l'on extrayait tout ce qui était conscient et vivant, et ça devient de plus en plus pierreux.
(silence)
La perception consciente des deux éléments (le corps devient comme un objet représentatif; pas seulement symbolique: représentatif), la perception de l'état de conscience des éléments qui appartiennent au passé, au mouvement évolutif passé, et de ceux qui sont ouverts à la méthode nouvelle, si l'on peut dire, est de plus en plus claire; c'est perceptible d'une façon aussi claire, plus claire que les choses physiques extérieures, que la forme extérieure (c'est physique, mais c'est la construction intérieure). Extérieurement, ça se traduit par de la fièvre. C'est une bataille. Et ce n'est pas une bataille de mauvaises volontés, ce n'est pas cela: c'est une sorte d'incapacité. Et ce n'est pas par la violence que l'on réussira. N'est-ce pas, la seule chose qui puisse triompher, c'est cette Vibration suprême d'Amour, mais il y a une incapacité de recevoir, et alors (c'est un phénomène étrange), cette incapacité de recevoir produit une sorte de tamisage, et ce ne sont que des éléments comme dilués qui peuvent passer. La Chose en elle-même dans son essence vraie ne peut pas... si l'on regarde d'en bas, on a l'impression que Ça se refuse, mais ce n'est pas vrai, parce que quand on est Ça (riant), il n'y a aucun sentiment de dilution: Ça se manifeste dans sa plénitude. Et puis voilà ce qui arrive! (ce tamisage)
Et il est évident (on le voit dans de tout petits détails) que s'il y avait contact direct, il y aurait comme un éclatement – ça produirait un éclatement. Oui, un changement trop brusque, trop soudain, comme un éclatement.
Il y a eu des expériences microscopiques, des sortes de démonstrations microscopiques; eh bien, si ces démonstrations microscopiques, avec le résultat, avaient lieu dans une quantité suffisante ou une somme suffisante, oui, ça produirait forcément ce qui, pour nous, serait une dissolution.
Et c'était une expérience vécue à chaque seconde, pendant à peu près six heures continues. Six heures continues avec l'immobilité (pas l'immobilité, mais la possibilité d'immobilité physique sur le lit), puis la continuation pendant plus d'une heure debout, avec les activités (réduites mais ordinaires), alors ça devenait terrible! Et je dis: tous-tous les éléments quels qu'ils soient, qu'ils appartiennent au vieux mouvement ou à l'autre, tous les éléments avec le même sens d'adoration. Par conséquent ce n'est pas une attitude morale: le même sens d'adoration. Seulement, les uns, dans leur adoration, acceptaient l'annulation, et les autres voulaient la Victoire, la transformation – ce n'est pas que les autres «voulaient»: ils SENTAIENT la victoire; et ceux-ci acceptaient la dissolution. Et les deux ensemble... Il est probable que si j'avais exprimé cela (je n'étais pas en état d'exprimer!), si j'avais exprimé cela à ce moment-là, j'aurais été taxée de délire aigu – j'étais tout à fait consciente. Et là, n'est-ce pas, LÀ, au-dessus du corps, la Paix la plus merveilleuse que l'on puisse imaginer, une Paix souriante et...
Et la fièvre continue. C'est-à-dire que je suis très-très consciente que c'est le maximum que l'on puisse faire pour marcher vite vers la transformation.
Cette fièvre que tout le monde a (plusieurs centaines de cas à l'Ashram depuis quelques mois), c'est la même chose, seulement c'est dilué dans une inconscience. Mais c'est la même chose: c'est une affaire «cellulaire» (j'en ai fait l'expérience parce que j'ai pu l'arrêter brusquement chez plusieurs, par un certain procédé d'isolation du mouvement général).
(silence)
Ah! qu'est-ce que tu apportes? le «Bulletin» est fini?
À part l'Aphorisme.
Qu'est-ce que c'est?
111 – La connaissance est comme un enfant avec ses accomplissements: dès qu'elle a découvert quelque chose, elle court les rues çà et là, criant et s'exclamant. La Sagesse cache les siens longtemps dans un silence pensif et puissant.
C'est une expérience que j'ai eue il y a deux ans à peu près. Ce qu'il dit là, j'en ai eu l'expérience vivante – une demi-journée d'expérience vivante; à ce moment-là, j'aurais pu te dire des choses très intéressantes, mais maintenant cela me paraît vieux-vieux-vieux, loin derrière.
J'aurais envie de te poser une question, et c'est lié à ce que tu disais tout à l'heure, quand tu avais cette fièvre, que tu étais allongée sur ton lit et qu'au-dessus, disais-tu, c'était une Paix merveilleuse, immuable – quel est le pouvoir de cette Paix, quel est le pouvoir de ce Silence? Quand on monte au-dessus, on entre dans une espèce de grand silence, qui est gelé, qui est partout, mais quel est le pouvoir de ce silence? Est-ce que ça fait quelque chose?
C'est ce que les gens cherchaient autrefois quand ils voulaient sortir de la vie: ils se mettaient en transe, ils laissaient leur corps immobile, et puis ils entraient là-dedans, et puis ils étaient parfaitement heureux. Et les Sannyasins qui se faisaient enterrer vivants, c'était comme cela; ils disaient: «Maintenant, j'ai fini mon travail (ils faisaient de belles phrases), j'ai fini, j'entre en samâdhi», et ils se faisaient enterrer vivants; ils entraient dans une chambre, ou n'importe, puis on fermait, et puis c'était fini. Et c'est ce qui arrivait: ils entraient en transe, et leur corps au bout d'un certain temps, naturellement se dissolvait, et eux, ils étaient dans la Paix.
Mais Sri Aurobindo dit que ce Silence est puissant.
Puissant, oui.
Eh bien, je voudrais savoir comment il est puissant, justement? Parce qu'on a l'impression que l'on pourrait rester là-dedans une éternité...
Pas une éternité – L'Éternité.
... sans que ça change rien.
Non, parce que ce n'est pas manifesté, c'est en dehors de la manifestation. Mais ce que Sri Aurobindo veut, c'est qu'on le fasse descendre ici. C'est ça, c'est ça la difficulté. C'est ça. Et il faut accepter l'infirmité et l'apparence même de l'imbécillité, tout, et il n'y a pas un être sur cinquante millions (Sri Aurobindo m'a dit que j'étais la seule!... riant, c'est possible!) qui ait le courage de cela.
Justement hier, je regardais ce corps, et il n'y avait... vraiment, les réactions que l'on pourrait appeler «personnelles» étaient réduites à un minimum imperceptible, c'est-à-dire que c'était un sens, je ne peux pas dire universel parce qu'il n'est pas sûr que la Matière dans les autres univers soit soumise à la même loi, je n'en sais rien (je n'en sais rien – j'ai su: il y a un moment où j'étais en rapport avec ceci et cela et je pouvais dire, mais maintenant je ne veux pas m'en occuper: je ne m'occupe que de la terre). Parce qu'il y a toujours cela aussi: la possibilité d'échapper en allant ailleurs. Beaucoup de gens ont fait cela aussi: ils sont partis ailleurs, dans un autre monde plus ou moins subtil. N'est-ce pas, il y a des millions de manières de s'enfuir; il n'y en a qu'une de rester, c'est vraiment d'avoir du courage et de l'endurance, d'accepter toutes les apparences de l'infirmité, les apparences de l'impuissance, les apparences de l'incompréhension, l'apparence, oui, d'une négation de la Vérité. Mais si l'on n'accepte pas, ce ne sera jamais changé! Ceux qui veulent rester grands, lumineux, forts, puissants, et patati-patata, eh bien, qu'ils restent là-bas, ils ne peuvent rien faire pour la terre.
Et c'est une toute petite chose (une toute petite chose parce que la conscience est suffisante pour ne pas en être le moins du monde affectée), mais une incompréhension générale et totale! C'est-à-dire que l'on reçoit des insultes, des expressions de mépris et tout, justement à cause de ce que l'on fait, parce que selon eux (toutes les «grandes intelligences» de la terre), on a renoncé à sa divinité. Ils ne le disent pas comme cela, ils disent: «Quoi? vous prétendez avoir une conscience divine, et puis...» Et ça se manifeste dans tous les gens et toutes les circonstances. De temps en temps quelqu'un, pour un instant, a un éclair, mais c'est tout à fait exceptionnel, tandis que: «Eh bien, montrez votre pouvoir!», c'est partout.
Pour eux, le Divin sur terre doit être tout-puissant, évidemment
C'est cela: «Montrez votre pouvoir, changez le monde. Et pour commencer, faites ce que je veux; n'est-ce pas, la première chose la plus importante, c'est de faire ce que je veux – montrez votre pouvoir»!
(long silence)
Ah! mais cela ne fait pas un Aphorisme, ce n'est pas une réponse à ce que dit Sri Aurobindo! Non, je te l'ai dit, c'était une expérience il y a longtemps. Je me souviens que c'était si joli, si clair, si lumineux, et je me le suis exprimé très bien (!), ça aurait fait un très joli petit article! Mais maintenant, c'est là derrière (geste pardessus l'épaule), loin-loin derrière. Alors je ne sais pas comment faire.
Je crois qu'à moins que tu n'aies une question à poser (mais tu vois la condition!), nous prenons notre «Savitri».
(silence)
C'est un cercle vicieux. On a l'impression que la transformation ne peut pas se produire sans un développement ou une réceptivité générale sur la terre, une préparation plus grande sur la terre, et en même temps, cette préparation plus grande sur la terre n'est pas possible sans une accélération de ta force transformatrice.
Oui, mais elle agit, seulement c'est une action infinitésimale. C'est pour cela que les millions d'années, ce n'est rien. C'est pour notre conscience qu'il y a cette stagnation, par exemple; c'est parce que la conscience humaine mesure tout à sa dimension, malgré tout. L'histoire de la terre est pour elle un infini – ce ne l'est pas dans l'histoire universelle, mais pour l'être humain, il a l'impression d'un infini (il sait bien que ce n'est pas comme cela, mais c'est de la connaissance théorique), et alors, à cette échelle-là, rien ne bouge – mais ce n'est pas vrai.
Oui, mais enfin il faudrait que ce soit fait en l'espace d'une vie.
Ah! ça...
Ce sera seulement la dernière vie – la dernière vie avant la transformation. Ce sera la vie de la transformation. C'est-à-dire que tout ce qui a été préparé pendant des millions et des millions d'années, un beau jour ça va se produire, et quand ça se produira, celui (celui ou celle ou ceux, ou n'importe) pour qui cela se produira, dira: «Voilà, nous l'avons fait!» (Mère rit) oubliant que ce sont des millions d'années qui ont préparé cette minute!
Il serait bon que cette minute arrive bientôt
Ah! c'est justement la chanson que j'entends tout le temps: «Vous dites que la Vérité se manifeste, eh bien, nous espérons bien qu'elle aura la victoire bientôt»!
Je ne sais pas.
Sri Aurobindo, quand je l'ai vu la première fois, m'a dit: «Les autres sont venus pour préparer et ils sont partis, mais cette fois-ci, c'est pour faire.» Il est parti aussi.
Il est parti. C'est vrai qu'il m'a dit: «C'est vous qui ferez», mais il ne m'a jamais... Il n'y a que lui qui m'ait dit cela, et il me l'a dit «comme ça», comme il disait les choses, n'est-ce pas. Ce n'était pas quelque chose qui vous donne une certitude absolue... Il avait ce pouvoir: je lui disais quelque chose et quand il disait: «Oui, c'est comme ça», C'était comme ça (quelque chose que je voulais qui se produise, pas quelque chose qui était), et quand il disait: «Oui, c'est comme ça», alors ça devenait comme ça! La première fois que c'est arrivé, c'a été pour moi un éblouissement. Mais généralement, c'était pour des détails. Mais quand il m'a dit: «C'est vous qui ferez», ce n'était pas de cette façon-là: cela pouvait être aussi la volonté qu'il mettait d'aller jusqu'au bout de... de ce qui était possible.
Et je ne peux pas dire que je pose la question, parce que ce n'est pas vrai, je ne la pose pas, mais les deux possibilités sont là (geste en suspens)) eh bien, ni à l'une ni à l'autre, il n'y a une réponse. Il y a des moments où j'ai la vision que ça va être fini (une vision très pratique de ce que je veux faire), ça vient, mais contre un arrière-plan de complète incertitude; et la minute d'après, c'est la possibilité d'aller jusqu'au bout de la transformation, avec la vision claire de ce qu'il faut faire, mais un arrière-plan... Il n'y a pas l'arrière-plan de l'Assurance que ce sera comme ça – ni dans un cas, ni dans l'autre. Et je sais que c'est volontaire, parce que c'est nécessaire pour le travail des cellules. Si, par exemple, je recevais l'Ordre du Suprême (ça m'arrive de le recevoir clair, aussi clair que...), si je recevais de Lui la certitude que quelles que soient les difficultés, quelles que soient les apparences du chemin, ce corps ira jusqu'au bout de la transformation, eh bien, il se produirait un relâchement quelque part, qui serait très mauvais. Je sais moi-même, je sais parfaitement. Par conséquent, c'est comme cela: je vais et je ne sais pas ce qui arrivera demain. Hier, j'aurais pu dire: «Oui, peut-être que c'est la fin» (comme il paraît que X2 l'a dit aimablement à des gens qui sont venus le voir; il a dit que j'en ai pour six mois, que dans six mois, je m'en irai – riant: c'est dans l'ordre de ses «prédictions» habituelles), eh bien, avec l'expérience d'hier, j'ai dit: «C'est bien possible.» Et avec cette même totale indifférence, n'est-ce pas: c'est bien possible. Avec une citation de Sri Aurobindo que «Rien ne peut altérer la splendeur de la Conscience de l'Éternité.» C'est cela. Et puis quand cet état-là est passé et que l'autre état vient, on dit: «Qu'est-ce que c'est ça, de mourir! Qu'est-ce que ça veut dire? Comment peux-tu dire cela?» Et ce n'est pas que les deux «états» alternent avec... (comment dire?) des oppositions – ce n'est pas du tout cela, c'est presque simultané (Mère passe les doigts de sa main droite entre les doigts de sa main gauche), mais tantôt on voit ceci, tantôt on voit cela. Et c'est un même ensemble de... quelque chose... qui est la Vérité, mais qui est encore un peu nuageux – ce n'est pas pleinement saisi comme ça (geste à pleines mains).
C'est l'état normal, mais c'est évidemment en cours d'élaboration, de construction, de formation.
Et c'est très sage. La Sagesse suprême est infiniment plus grande que la nôtre! Dans notre enthousiasme, nous pensons quelquefois: «Oh! si c'était comme ça!» (Mère se donne une claque) – Tiens-toi tranquille, c'est tout.
Nous sommes très brouillons.
Oui, on a du mal à comprendre que la Sagesse est tout le temps sage.
On a beaucoup de mal à comprendre que le Suprême fait tout, tout le temps.
Voilà.
Et que nous sommes seulement des idiots brouillons (riant) qui voulons que ce soit autrement parce que nous ne comprenons rien à rien!
Ça commence à être un peu plus sage, tout petit peu. Je te l'ai dit, après des nuits comme hier, on est un peu plus sage, et des matinées... on est un peu plus sage. Et une espèce de sensation très-très matérielle que c'est Lui... Parce que nous pensons: «Oh! si c'était nous (nous ne le disons pas comme cela, mais...), tout serait très bien tout de suite», hein? Et ce «très bien», Dieu sait ce que ce serait!
C'était hier ou avant-hier, je ne sais pas (il y a deux jours je crois), il y avait des douleurs partout et c'était tout le temps un effort – un effort pour maintenir un équilibre acceptable; et alors, à un moment donné, je me suis étendue et le corps a dit: «Oh! (riant) est-ce que ça ne va pas finir? Ce sera toujours comme cela?» Puis tout d'un coup, il a eu la perception: «Oh! comme je suis lâche!» Il a eu honte de lui. Et il a senti (Mère presse ses mains contre son visage) comme ça, là-dedans, partout, la Présence du Seigneur – comme ça partout, une Présence!... de puissance lumineuse, mais une puissance lumineuse qui peut être destructrice, n'est-ce pas! (Mère rit) ça peut vous fondre complètement – «Eh bien, tu n'es pas content, tu veux autre chose que ça?!» Oh ....
Il ne demande rien.
C'est cela que j'appelle sincérité: si l'on peut s'attraper à chaque minute à appartenir à la vieille Stupidité.
Et c'est justement pour vous faire voir. On traduit mentalement, mais c'est comme s'il vous disait: «Tu vois, c'est comme ça parce que si ce n'était pas comme ça, tu n'aurais pas compris.» Et c'est tellement vrai qu'il n'y a rien à dire.
«Tu as (le corps) besoin de ça pour comprendre.»3
1 Le gouvernement et la presse anglaise (américaine aussi, d'ailleurs) ont été outrageusement anti-indiens.
2 x = le gourou tantrique.
3 Il existe un enregistrement de cette conversation.